Pèlerinage du pain à Montréal
Publié sur Récit Nom@de.
Sur la photo: Stéphanie Diebolt au défournement des baguettes, boulangerie Pain dans les voiles, Montréal. Photo par François Thibeault.
Voici le récit d’un pèlerinage du pain réalisé en compagnie d’étudiants de maitrise et de doctorat en création littéraire et en études & pratique des arts (UQAM), le 26 février 2016.
Sur l’autoroute 10 à six heures du matin, la poudrerie souffle et balaye le bitume. C’est enneigé pour rejoindre l’autobus qui me mènera en ville. Je me suis levé tôt – quatre heures – mais je me dis que c’est tard pour ces boulangers que nous allons rencontrer aujourd’hui.
Pour faire découvrir aux étudiants et étudiantes du groupe de recherche-création Récit Nomade, j’ai voulu les guider d’une boulangerie à l’autre, à Montréal. L’écriture, le voyage et le pain sont pour moi trois points de référence qui font naitre une symétrie dans ma vie. Quoi de mieux pour transmettre une passion que de mettre le corps et l’esprit en mouvement, et faire un voyage près de chez soi.
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Sur la rue Drolet, entre Jean-Talon et de Castelnau, le vent hivernal s’engouffre entre les escaliers abrupts de Villeray. Je reçois de plein fouet, sur le front, une vague glaciale en même temps que les arômes de la cuisson des pains m’enivrent à mi-parcours. À la première intersection, rue Drolet et de Castelnau, la boulangerie Le Pain dans les voiles accueille la tribu urbaine matinale, café aux lèvres et clavier numérique au bout des doigts – à moins que ce ne soit un journal, mais c’est plus rare. Sur les longues tables face aux fenêtres, des tablettes électroniques sont disponibles pour ceux et celles qui auraient eu l’audace de partir sans leur propre appareil. Le pain et le café, certes, mais pourquoi les pixels? Les créatifs culturels, hipsters et autres bobos se sont donnés rendez-vous, tout comme les gens ordinaires et les jeunes familles du quartier. Notre groupe de plus d’une quinzaine d’étudiants occupe la grande table principale.
Martin Falardeau nous reçoit. Cofondateur et copropriétaire du Pain dans les voiles, il a travaillé en cuisine dans les années 1990 et s’est ensuite formé comme boulanger en compagnie de Benoit Fradette, au Fromentier de la rue Fabre. C’était en pleine nuit, après un quart de travail au Toqué!, que Martin Falardeau avait cogné à la vitrine de la boulangerie occupée à son travail nocturne. Il avait demandé à Benoit Fradette s’il pouvait voir comment travaillaient les boulangers et celui-ci lui avait répondu qu’il était le bienvenu, pourvu qu’il mît la main à la pâte. Une nouvelle vocation était née.
Martin Falardeau ouvrit ensuite sa propre boulangerie à Ottoburn Park, La Femme et le boulanger, qu’il a vendue quatre ans plus tard pour reprendre son souffle. François Tardif, un ami de longue date et partenaire de voile, lui proposa quelques années plus tard de créer une nouvelle boulangerie. Martin Falardeau s’était dit qu’il pouvait être consultant, pour ne plus se remettre dans le pétrin, mais finit par embarquer complètement dans le projet. Le Pain dans les voiles est né d’une passion et d’une connaissance fine de la panification et du mode de vie d’une boulangerie. C’est ainsi qu’en alliant entrepreneuriat et science, les deux partenaires mirent sur pied une boulangerie où le travail diurne est à l’honneur grâce à de longues fermentations de pâte au froid.