Pèlerinage du pain à Montréal

Pèlerinage du pain à Montréal

Lors de la pause du lunch, nous nous arrêtons chez Isabelle et nous rassemblons autour d’une dizaine de pains récoltés au passage dans les boulangeries de notre circuit. Nous abordons des questions d’ordre sociologique, comme: «Comment parler d’authenticité aujourd’hui, dans nos rapports avec les autres et en rapport avec des produits artisanaux que nous consommons?» Car nous sommes consommateurs, mais nous aspirons aussi à être ou à devenir plus que cela. Pour moi, cette quête d’authenticité est au cœur de ma démarche de rencontre avec des boulangers de tous horizons. Elle m’inspire à une certaine humilité et nourrit une curiosité intense.

Je me demande pourquoi j’ai voulu baptiser cette tournée des boulangeries «pèlerinage». Je n’adhère pas naturellement au symbolisme classique et religieux du pain, de la fraternité et de l’Eucharistie. Cela me semble bien loin dans mon imaginaire (conscient). Mais le pain – le faire, apprendre à le faire, l’acheter, l’offrir, le savourer avec tous les sens – me pénètre en des zones où je ne peux me résoudre à rationaliser ou intellectualiser mon expérience. C’est comme si je préférais préserver quelque chose d’intact et laisser l’émerveillement m’envoûter. Peut-être est-ce une expérience du «sacré» comme certains l’entendraient.

Le pain est pour moi quelque chose de global, il touche à l’ensemble de l’être, au relationnel et me pousse à un dépassement – à dépasser mes habitudes et surpasser les informations acquises. C’est une manière d’aller vers l’autre pour cocréer en sa compagnie. Faire apparaitre ou émerger ce qui n’est pas encore connu. J’idéalise le pain – mon imaginaire est pétri de rêves panivores – mais je recherche le côté pragmatique et réaliste intrinsèque à la panification. Le pain touche ainsi à tous ces aspects de l’être qui dans d’autres circonstances et conditions me semblent aliénés. Le pain serait-il dès lors une voie parmi d’autres vers la connaissance de soi?

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