Pèlerinage du pain à Montréal

Pèlerinage du pain à Montréal

Face au marché Jean-Talon, à un jet de pierre de Première Moisson, Daniel Jobin alias Joe la Croûte, boulange en direct (c’est-à-dire du pétrin au four sans faire appel au froid pour retarder la fermentation des pâtes) pour produire le type de pain qu’il affectionne (grands pains inspirés de mélanges créatifs, baguettes et autres pains blancs légers comme des nuages, ainsi que des pains spéciaux variés). Autrefois, Daniel Jobin a été un pilier important au comptoir de la boulangerie Le Fromentier, au côté de Benoit Fradette. C’est d’ailleurs auprès de ce dernier qu’il est allé se former à Aix-en-Provence. Au retour de son apprentissage, il a mis sur pied la boulangerie Joe la Croûte.

Lors de notre passage, j’ai renoué contact avec Dominique avec qui j’avais travaillé au Fromentier dans les années 2000. Elle incarne le rôle important que  jouent les vendeuses et les conseillères du pain aux comptoirs des boulangeries artisanales. Sans elles, les pains qui se vendent n’auraient plus d’histoires à raconter. Comme Caroline Rolland, Dominique a commencé son boulot au comptoir des boulangeries pour payer ses études. Puisqu’elle aimait l’emploi, les gens et le pain, elle est restée dans le milieu. Sa connaissance des pains ainsi que son enthousiasme provoquent un intérêt pour le bon pain. «Les gens sont heureux quand ils viennent ici chercher leurs pains», dit-elle. C’est ce plaisir renouvelé jour après jour qui doit être nourri et garder vivant.

Au repos lors de notre passage, Daniel Jobin m’avait confié auparavant qu’il est exigeant de maintenir une petite équipe pour ne pas s’engager dans une gestion plus complexe. La question est ainsi de trouver l’équilibre entre le pétrin et le four, d’une part, et la vie au-dehors du fournil, d’autre part.

Aux murs rouges de la boutique sont affichées des images de pains anthropomorphisés. L’un s’exclame «Pousse-toi la mie. Je suis cool, Joe Cool», alors qu’un autre rappelle qu’il n’y a «Nul pain sans peine». Dans cette boulangerie d’une échelle modeste, pourtant très bien équipée technologiquement, j’ai ressenti cette proximité entre ces trois acteurs centraux de toute vie panivore: le boulanger, ses vendeuses et les clients. Comme quoi l’expérience authentique d’un commerce de boulangerie ne peut faire abstraction de l’interdépendance entre ces trois acteurs aux mains desquels le pain voyage.

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