La Ferme des Cabrioles: aux sources d'un mode de vie durable

La Ferme des Cabrioles: aux sources d’un mode de vie durable

Sans chevreaux, pas de chèvres laitières

Ferme des Cabrioles, Mauves-sur-Huisne, région du Perche, Orne, Basse-Normandie, France.

Ferme des Cabrioles, Mauves-sur-Huisne, région du Perche, Orne, Basse-Normandie, France.

Nous avons véritablement repris contact avec ce qu’implique le fait de manger du fromage et de boire du lait. Pour produire du lait, une chèvre, ou une vache, doit avoir un petit chaque année. C’est évident. Mais il s’agit d’y réfléchir quelque instant. Et qu’arrive-t-il aux petits ensuite? Dans la majorité des fermes, ces petits vont se faire acheminer chez un engraisseur qui les payera une somme dérisoire et qui les vendra ensuite à un abattoir. À la ferme des Cabrioles, seulement sept chevreaux sur 179 ont dû être vendus ainsi. Une douzaine de chevrettes ont été sélectionnées pour intégrer le troupeau et toutes les autres bêtes ont trouvé une place chez des particuliers (grâce à des petites annonces web).

On peut vraiment qualifier de don tout le travail que Deborah et Mathieu réalisent afin de nourrir et soigner ces petites bêtes. Quelques visiteurs venus sur place sont également repartis avec une chèvre dans leur voiture. Vendue dix euros chacune, le prix de vente ne couvrait à peine les frais et le temps encourus pour s’occuper d’eux. Mais d’un point de vue moral, cela était plus satisfaisant pour Deborah que la solution — beaucoup plus simple — de l’expédition, à ses frais, à l’engraissage-abattoir. Au final, celles-ci ne rapportent aucune pécune en échange de la pénibilité du labeur qui doit être accompli sur la ferme. La récompense se situe sur un autre plan. C’est une question d’éthique et d’humanité.

Dans notre élément

Rapidement, Maël et Kaliane se sont dégênés, ont posé des questions, ont exploré (évidemment, bien au-delà de la limite que leurs parents ont tenté de leur imposer) et ont essayé tout ce qui les entourait. Mathieu et Deborah, emplis d’un goût du partage, ont pris le temps d’inclure les enfants curieux dans leurs activités, malgré la charge importante de leurs tâches quotidiennes. Grâce à eux, Maël et Kaliane nettoyaient les râteliers, les remplissaient de foin à la fourche, nettoyaient les allées, donnaient les biberons aux chevreaux, aidaient à la rentrée et la sortie du troupeau, aidaient à la fromagerie et se mêlaient à tout plein d’autres travaux ponctuels sur la ferme. Très rapidement, Maël s’est formé auprès de Deborah pour apprendre à guider les visiteurs autour de la ferme. Lors des journées de visite, il a ainsi guidé Parisiens, badauds et curieux en les renseignant sur de nombreux et importants aspects de l’élevage, de la traite et de la fromagerie. C’est avec un sourire béat qu’il nous a montré, les mains grandes ouvertes, les euros que les visiteurs lui ont donnés comme pourboire en échange de ses services.

Ferme des Cabrioles, Mauves-sur-Huisne, région du Perche, Orne, Basse-Normandie, France.

Ferme des Cabrioles, Mauves-sur-Huisne, région du Perche, Orne, Basse-Normandie, France.

Nous étions d’humbles apprentis prêts à rendre service. Dans la cuisine et au potager, nous avons laissé s’exprimer nos aptitudes naturelles. Autour de la ferme, je me suis investie dans le travail auprès des chèvres et en fromagerie, alors que François s’est improvisé en «monsieur fixe-tout». Il s’est ainsi dédié à la réparation et la construction de ce dont Mathieu et Deborah avaient besoin. Il a pu certes aider directement aux astreintes — ces tâches qui reviennent une ou deux fois par jour, tous les jours, tous les mois et qu’on ne peut pas éviter –, mais c’est dans les tâches de bricolage qu’il a tenté le plus de faire une différence. Étant occupé deux jours par semaine à la boulangerie de Thierry et Cécile Hermeline, à la Grande Suardière, il a préféré investir son temps et son énergie dans des tâches dont il pouvait s’assurer la finalisation à plus ou moins court terme. Et il m’offrait par le fait même l’occasion de suivre de près le travail de production en chèvrerie et en fromagerie.

Le bilan de nos réalisations après deux mois et demi est modeste. Lors de notre départ, nous avons jeté un dernier regard à la liste des travaux urgents et nous nous sommes vite aperçus que nous étions loin du compte. Sur cette ferme où au moins quatre personnes seraient occupées à temps plein, seulement Deborah et Mathieu se démènent pour parvenir à bout des tâches quotidiennes et hebdomadaires récurrentes. Nous n’avons pu que contribuer modestement à la somme herculéenne des travaux dont la ferme nécessitait.