La Ferme des Cabrioles: aux sources d’un mode de vie durable
Manger local, frais et bio: terroir et gastronomie
Nous avons goûté au véritable goût du lait de chèvre cru et de ses dérivés. Comment ensuite pourrons-nous revenir à des produits laitiers et fromagers pasteurisés et homogénéisés? Les produits de terroir du Perche nourrissaient nos âmes et nos corps. Ce n’était pas un luxe: c’était notre consommation courante. Des pains et produits de chèvre, bien sûr, mais aussi des produits de brebis, de vache, des fruits et légumes bio cultivés par des maraîchers locaux, du miel, des confitures, du cidre, des jus, de la bière, des pâtes au blé tendre et plus. La France n’a pas le monopole des terroirs, de la gastronomie et encore moins de l’alimentation bio et locale. Nous sommes sûrs que chez nous, dans la vallée de la Coaticook, nous saurons retrouver de la nourriture vivante, simple et bonne.
Depuis notre départ des Cabrioles, les enfants essaient de nous convaincre de vendre notre maison située dans le centre d’un village pour déménager à la campagne et pour avoir des animaux. Nous avons toutefois observé que, sur une ferme, il y a des contraintes énormes associées au fait de devoir s’occuper, et de traire si c’est le cas, des animaux matin et soir. Les fermiers appellent cela les «astreintes». On est loin du romantisme du «retour à la terre». Ce n’est pas demain que nous aurons un troupeau, mais qui sait s’il y a peut-être des façons de faire les choses différemment.
François n’idéalise pas la boulangerie non plus. La boulangerie a aussi ses astreintes, sa pénibilité: nourrir les ingrédients vivants, comme le levain, travailler de longues heures, de nuit ou de jour. Au cours de nos pérégrinations sur les fermes et dans les boulangeries, nous avons développé une vision autre du travail artisanal, une vision qui implique de bâtir des réseaux d’entraide et de solidarité. Sans cela, les acteurs de l’agriculture bio à petite échelle et de la boulangerie artisanale sont voués tôt ou tard à s’épuiser, à s’isoler et à ne plus pouvoir assurer la pérennité de leurs entreprises.Je crois que la vie sur une ferme n’est pas obligatoirement astreignante et cruelle, autant envers les fermiers que les animaux. Nous devons notre respect à ceux qui prennent soin de créer ce qui nous nourrit. Nous devrions tous nous sentir responsables de ce que nous mangeons. Et ce n’est pas juste la nourriture, c’est aussi la santé et le logement. Nous sommes devenus totalement dépendants – la liberté du consommateur individualiste est un leurre — pour tout ce qui concerne nos besoins de base. En plus de nous rendre dépendants et atomisés, nous avons surtout oublié toute la reconnaissance que nous devons à ceux qui ont conservé ce savoir-faire.