Stockholm, Suède: ville d'eau et de ciel

Stockholm, Suède: ville d’eau et de ciel

De T-Centralen, nous avons accès à tout Stockholm. Les rues sont larges et le trafic est presque inexistant. Les automobilistes qui veulent accéder au centre-ville doivent payer une taxe environnementale : des détecteurs radar enregistrent les passages et la facture est acheminée directement aux utilisateurs. Le ciel bleu est de partout visible, tant les rues respirent d’espace.

En ce mois de juillet, les Stockholmois sont pour la plupart partis en vacances. Cela se voit au nombre saisissant de commerces qui sont fermés pour plusieurs semaines, en pleine saison touristique. Ici, ce ne sont pas les touristes qui font rouler les affaires de ces commerces, mais les citadins qui vivent et qui transitent par ces lieux.

Dans une ruelle de Gamla stan, je demeure stoïque face à la porte fermée d’un café-boulangerie d’une très belle allure. Cet inspirant café ferait, me semble-t-il, des affaires d’or en cette saison-ci. Six semaines de vacances, en plein mois de juillet et d’août. J’admire cette culture suédoise qui reconnaît la valeur des vacances estivales et qui se donne les moyens de fuir le travail, même si celui-ci aurait pu être fructueux.

Sur la pelouse du parc Kungsträdgården, nous pique-niquons au milieu du centre-ville. D’un côté, les édifices anciens et colorés de la ville et, de l’autre, le lac Mälar et les nombreux ports. C’est aux abords de ce parc qu’une procession de dévots de Krishna – une déité hindoue qui est l’incarnation d’une autre déité, Vishnou – happe l’intérêt des enfants.

Chantant et dansant au rythme de clochettes, de tambours et d’accordéons (à défaut de trimballer un harmonium), les dévots précèdent un temple monté sur un chariot que tirent plusieurs d’entre eux au moyen de câbles. Dans le décor sobre et antique de Stockholm, l’effervescence de cette fête-pèlerinage du chariot (ratha yatra en sanskrit) nous transpose dans un autre univers.

En enjambant le pont, nous traversons vers Kungliga slottet, le palais royal, au pied duquel la fête hindoue se poursuit. Les dévots ont monté un camp provisoire autour du temple-chariot. Sous des tentes et autour de tentes, les badauds et les dévots se font offrir gratuitement un repas végétarien et une limonade fraîche. Les enfants et nous restons plus d’une heure à observer la scène.

Des dévots vêtus d’habits ascétiques orange – comme les sadhous hindous en Inde – côtoient des femmes (occidentales et indiennes) vêtues de saris traditionnels. «Cette fête est en l’honneur du Dieu universel, elle est pour tout le monde. Tout le monde est bienvenu», m’a expliqué Kalama, une Allemande convertie au culte de Krishna il y a plus de vingt-cinq ans. Son mari est venu, après son travail et vêtu de ses habits de bureau, se joindre à la fête.

Au parc Rålambshovsparken, tout a été aménagé pour que les enfants trouvent leur plaisir par un bel après-midi. Le parc pour skateboards est autant sinon plus fréquenté par des adeptes de trottinettes acrobatiques que par des planchistes. Des enfants de tous âges, avec leurs casques et leurs genouillères, tentent des figures sur les courbes de bitume. Nos enfants ont bien leurs propres trottinettes, pour rendre les déplacements urbains plus amusants, mais je retiens Maël d’aller tenter son coup. Le cadre de sa trottinette ne résisterait pas à ce genre de jeu.

Sur l’itinéraire des lieux incontournables pour les familles, il y a Skansen où nous passons une journée bien remplie à visiter un zoo extérieur qui est aussi un village d’antan suédois. Le fondateur du parc, Artur Hazelius, a créé en 1891 ce qui est aujourd’hui le plus ancien musée-zoo en plein air au monde. Avec sa passion exacerbée pour le patrimoine traditionnel suédois, Artur Hazelius a repéré, fait déconstruire et ensuite reconstruire plus de 160 bâtiments traditionnels, des années 1800 et 1900, qu’il a trouvés dans différentes provinces de la Suède. Dans la maison de ferme, je m’intéresse au four à pain qui est encore utilisé pour préparer des pains de seigle traditionnels (rågbröd en suédois). Mes sentiments pour la chose boulangère ne nécessitent généralement que peu de stimuli pour être allumés!

Les races de vaches, chevaux, chèvres, moutons, poules et autres bestiaux de ferme que nous retrouvons ici sont de souche ancienne. Le zoo contribue ainsi à la préservation de races en voie de disparition. Par ailleurs, nous retrouvons des loups gris, des renards, des lynx, des élans, des phoques et d’autres animaux nordiques dont la présence ne nous étonne pas plus ici qu’au Québec. Mais les enfants s’offrent un festin de contemplation animalière. À notre insu, ils nous faussent compagnie pour poursuivre la vétérinaire qui effectue sa tournée pour nourrir les bêtes.

De retour au centre-ville, je parcours avec Mikael les rues et les sentiers du quartier Södermalm, surnommé le quartier hipster de Stockholm. Mon ami, qui a également vécu à Montréal durant deux ans, note que Södermalm partage quelques caractéristiques avec le Mile-End, dont celle d’être le lieu de résidence et de travail de nombreux marginaux. Encerclée par l’eau, Södermalm est parcourue par de nombreuses artères où fleurissent des commerces et des cafés aux couleurs sympathiques.

Chez Chaqiya, la fondatrice Rebecca Dominique offre divers cafés, étoffes, chocolats, bijoux et autres pièces artisanales issus du commerce équitable. Coordonnatrice de projets de développement international et entrepreneure (elle a mis sur pied une entreprise de panneaux photovoltaïques), elle se voue corps et âme à la cause humaine. Ses photos, exposées dans l’arrière-boutique, démontrent son engagement auprès du peuple kenyan. Cette femme de projets m’étonne par la diversité de ses réalisations et par son désir de communiquer sa passion envers l’Afrique par tous les moyens.

Au café Johan & Nyström, Eskil Ingvarsson – torréfacteur et acheteur de thé – me sert un café décaféiné qui m’étonne par sa rondeur, son absence d’acidité et sa consistance sirupeuse renversante. «La qualité d’un café ne dépend qu’à 15% de notre travail. Nous le torréfions et le préparons, mais ce sont les paysans qui sont les grands maîtres», me dit-il. Tous les cafés servis et vendus sur place sont issus de l’agriculture équitable et biologique. Fier, Eskil Ingvarsson me décrit les prouesses de la toute nouvelle machine à espresso Simonelli dont s’est doté le café. Mais encore, tout est dans l’art des artisans invisibles du café, ceux qui ne déambulent pas sur les rues de Stockholm. Ces derniers s’échinent par leur travail à créer pour eux-mêmes – et aussi pour tous – un monde meilleur.

Au centre de Stockholm, à quelques enjambées de Södermalm, je trouve enfin une boulangerie digne du nom, Brunkerbergs Bageri. De nombreuses boulangeries que j’ai visitées n’offraient que des pains qui étaient cuits dans une cuisine centrale et qui avaient peu à révéler. Ces boulangeries ne vibraient donc pas de cette énergie du four qui imprègne toute l’atmosphère. Les pains étaient fades, denses et s’asséchaient rapidement. Chez Brunkerbergs, les fours sont à l’avant-scène. Les procédés de boulangerie qui sont utilisés par la boulangère fondatrice, Helene Johansson (oui, une femme!), mettent l’accent sur la lenteur et l’hydratation maximale de la pâte. Le résultat est d’un grand art.

À suivre…