Atelier-formation de construction de fours à pain en argile
Ferme Au Petit boisé
Dunham, 25-26-27 juin 2015
Document préparé par François Thibeault
Texte et photos © François Thibeault 2015 — Tous droits réservés
Formateur
François Thibeault
Organisateurs hôtes
Michelle Décary & Kory Goldberg – Ferme Au Petit boisé Dunham
Chef cuisinière
Marie-Soleil Larouche
Participants
Daniel Poirier
Susan Muir
Jacques Graveline
Mark Clogswell
Carole Pire
Éloïse Hervagault
et les enfants
Maël
Kaliane
Jaï
Maya
CONTENU
Étapes de la construction du four
Choix du type de four
Choix de la technique de construction
Excavation et dalle de fondation
Base du four
Dalle de soutien
Isolation et protection
Briques réfractaires
Forme de sable
Porte
Mélange argile-sable et couche thermique
Mélange argile-sable-vermiculite et couche isolante
Finition, séchage et abri
Pizza
Références utiles
Livres
Sites web
Médias
ÉTAPES DE LA CONSTRUCTION DU FOUR
Un mois avant la construction du four
Afin de valoriser le maximum de matériaux locaux, nous avons choisi de construire un four à pain en argile et en sable. Nous avons déniché une réserve d’argile bleue à quelques kilomètres de la ferme et nous avions accès à un carré de sable rempli à ras bord. Cependant, pour la base et pour l’isolation, nous avons choisi des matériaux non conventionnels, ou néotraditionnels, comme la laine de céramique, les panneaux de MGO (oxyde de magnésium, résistant au feu et à l’humidité) et la vermiculite. Nous expliquerons les propriétés de ces matériaux dans les sections qui leur sont réservées ci-dessous. La dalle de fondation et la base du four sont fabriqués, respectivement, d’une dalle de béton armé et de blocs de béton. Ces matériaux non traditionnels ont toutefois permis une construction extrêmement solide et assez rapide.
Choix de la technique de construction
Un mois avant la construction du four
Pour la construction des fours à pain en argile, il y a deux techniques: la technique dite «québécoise» et la technique argile-sable décrite, entre autres, par Kiko Denzer (voir les références). La technique «québécoise» (voir les films de l’ONF ci-dessous) consiste à construire un gabarit en bois qui servira d’appui pour l’application des couches d’argile-paille qui forment la voûte. Le gabarit peut être fabriqué de bois vert (aune par exemple) ou de panneaux de bois contreplaqué et de lattes de bois minces et souples. Cette technique nécessite généralement l’application d’une seule couche d’argile-paille (sous forme de torchis), assez épaisse (environ 8 po). Cette couche est à la fois thermique (sert à accumuler la chaleur) et isolante (sert à conserver la chaleur et renvoyer celle-ci vers l’âtre du four).
La technique argile-sable que nous avons choisie consiste: (1) à former un dôme (une forme) de sable sur les briques réfractaires; (2) à mélanger et appliquer une couche dite «thermique» (pour accumuler la chaleur) composée d’argile et de sable; et (3) à mélanger et appliquer une couche isolante composée d’argile, de sable et de vermiculite. La forte densité de la couche thermique permet une grande accumulation de chaleur et la performance de la couche isolante (4 po d’épaisseur sur les côtés de la voûte et jusqu’à 6 po d’épaisseur sur le dessus de la voûte) permet de contenir cette chaleur très longtemps — et donc de faire plus de cuissons, plus longtemps, avec une seule chauffe du four.
Excavation et dalle de fondation
Deux semaines avant la construction du four
Nous avons suivi les instructions décrites dans le document produit après la construction du Community Bake Oven à Kitchener (voir les références ci-dessous).
Au moyen d’une excavatrice, nous avons construit un talus dans lequel nous avons creusé un trou rectangulaire de dimension: 11 pi largeur x 11 pi longueur x 6 po profondeur. Nous avons installé un panneau de styromousse (2 po épaisseur x 11 pi x 11 pi) au fond du trou.
Nous avons réalisé un coffrage avec des 2×6, afin de couler une dalle de béton de 6 po d’épaisseur et de dimensions carrés 6 pi x 6 pi. Le styromousse dépasse ainsi de chaque côté de la dalle afin de protéger celle-ci — et la base de four qu’elle soutiendra — des gels et dégels. Le sol sous le styromousse ne peut pas geler. Sur le styromousse, nous avons posé un treillis métallique avec des ouvertures carrées 6 po x 6 po. Ce renforcement aide à la structure de la dalle. Nous avons ainsi coulé une dalle de béton (béton prémélangé, livré par bétonneuse au coût de 170$ pour le béton et 150$ pour la livraison) de dimensions: 6 po épaisseur x 6 pi x 6 pi). Le dessus de la dalle a été lissée avec un grand morceau de bois, dans un mouvement de va-et-vient.Il a fallu laisser la dalle durcir au moins trois jours, en conservant une bonne humidité sur celle-ci.
Une semaine avant la construction du four
La base du four est constituée de blocs de béton 8 po x 8 po x 16 po. Il a fallu 40 blocs pour monter une structure de 4 blocs de haut et de dimensions: 55 po largeur x 55 po longueur x 31 ½ po hauteur. Les blocs sont scellés entre eux au moyen d’un mortier conventionnel. Nous avons choisi de construire une base en blocs de béton pour la facilité et la rapidité. D’autres choix possibles: une base en bois 6 po x 6 po, en queue d’arronde, ou une base en pierres des champs. En raison du temps disponible et de nos compétences, nous avons choisi les blocs de béton. Cette base ultrarésistante pourrait également soutenir un four en briques, plus pesant qu’un four en argile.
5 jours avant la construction du four
La dalle de soutien est coffrée directement sur la base du four, avec un panneau de fibrociment (idéalement ne contenant pas de particules de styromousse) afin de former le fond de la dalle. Des 2×8 ont été coupés en deux sur le sens de la longueur afin de coffrer une dalle de dimensions: 4 po haut x 56 po largeur x 65 po longueur au centre.Pour soutenir la dalle à l’avant, nous avons installé deux fers en L, posés dos à dos, et ancrer dans les blocs de béton qui ont été légèrement découpés avec une meuleuse.Nous avons utilisé environ une quinzaine de barres d’armature à béton (rebar en anglais), d’une longueur de 118 po chacune et d’un diamètre de ½ po.
Les barres ont été disposées avec un espacement d’environ 4 à 6 po et nous avons courbé les barres qui se trouvaient au centre de la dalle. Ces courbures ont pour but d’améliorer la force en tension au sein de la dalle de béton. Deux barres ont été courbées à angle droit à leurs extrémités afin de les ancrer dans les blocs de béton sous le panneau de fibrociment. Nous avons également donné une courbure à notre cadre de coffrage afin que la devanture de la dalle finale soit courbe.Il nous a fallu 18 poches de béton prémélangé (30 kg chacune) pour réaliser la dalle de soutien. Le dessus de la dalle a été lissée au moyen d’un long morceau de bois, dans un mouvement de va-et-vient. Nous avons laisser la dalle durcir 48 heures avant de la décoffrer.
28 juin 2015, 1er jour de la construction du four
L’isolation sous les briques réfractaires consiste: (1) en un panneau de laine de céramique 1 po épaisseur; (2) sur lequel nous avons posé un panneau MGO (oxyde de magnésium) de ½ po épaisseur. Le panneau d’isolation réfractaire en laine de céramique est un isolant haute efficacité qui résiste au feu, mais qui est sensible à l’humidité et qui est compressible si une forte pression est appliquée avec un doigt par exemple. Le panneau MGO protège le panneau de laine céramique, car il est plus résistant à la pression, à l’eau et à l’humidité, et il est également résistant au feu.Il faut que les panneaux d’isolation dépasse la sole réfractaire 6 po à l’arrière et 6 po de chaques côtés, car la couche isolante de la voûte doit porter sur l’isolation pour éviter tout pont thermique.
28 juin 2015, 1er jour de la construction du four
Nous avons acheté 38 briques réfractaires chez Maçonnex à Granby, au prix de 2,29$ chacune. Rona Cowansville avait également des briques réfractaires utilisables pour ce four, mais à un prix de 3$ chacune. Les détaillants appellent ces briques «réfractaires» ou «briques à feu». Celles dont nous avions besoin étaient de dimensions: 2¼ po x 4½ po x 9po. Chez les détaillants généraux en matériaux de construction, les briques vendues sont de type «low duty». Ces briques accumulent la chaleur plus rapidement que les briques «medium» ou «high» duty, mais leur limite de température est également inférieure aux limites de ces autres briques. Pour la sole d’un four à pain résidentiel, comme celui-ci, des briques «low duty» sont appropriées. On pourrait cependant trouver des «medium duty» (chez Matériaux réfractaires direct à Saint-Léonard, par exemple), pour faire une construction encore plus solide. Mais pour une utilisation d’une fois par mois, environ, les «low duty» sont appropriées. Si le four avait été complètement construit en briques (sole et voûte), il aurait fallu des «medium duty», car la voûte chauffe beaucoup plus que la sole.Nous avons préparé un mortier d’argile-sable, 1 argile:1 sable environ, afin de sceller les briques sur le panneau MGO. Les briques ont été déposées verticalement, en glissant les arêtes des briques les unes sur les autres. Si une brique n’était en bonne position, nous l’avons retirée et avons recommencer. Il ne faut pas faire bouger les briques latéralement lorsqu’elles sont en place, car cela détruirait la surface de mortier et pourrait créer des espaces entre les briques.Sur la dernière photo ci-contre, les panneaux d’isolant et de MGO ne dépasse pas sur les côtés de la sole. Nous avons ajouté 6 po de panneaux isolant et de MGO sur la largeur, pour que la couche isolante de la voûte vienne reposer directement sur l’isolant, évitant ainsi tout pont thermique.La surface de cuisson consiste en un cercle de 36 po de diamètre (4 briques x 8 briques = 32 briques), avec 6 briques posées à l’avant, afin d’ajouter une surface 9 po x 27 po à l’avant du four.
28 juin 2015, 1er jour de la construction du four
Il nous a fallu environ 5 brouettes pleines de sable pour former le dôme de sable autour duquel nous avons ensuite construit la couche thermique.Les dimensions de la surface de cuisson sur la sole sont: un cercle de 36 po de diamètre, avec un «tunnel» ou une arche à l’avant pour augmenter la surface de cuisson finale (9 po x 27 po).Nous avons déterminé 16 po pour la hauteur de la voûte (de la chambre de cuisson). Nous avons posé un bâton de bois sur un socle, le tout d’une hauteur de 15½ po, afin de conserver un repère pour la forme de sable. Le bâton est recouvert de ½ po de sable pour faciliter son retrait lorsque la couche thermique sera sèche.La hauteur de la porte correspond à environ 63% de la hauteur de la voûte, soit 10 po. Ce ratio est considéré comme optimal (voir références).Le sable doit être du sable de construction assez irrégulier, pour que le sable puisse être sculpté. Nous avons régulièrement vaporisé le sable pour qu’il conserve une bonne humidité.Nous avons finalement compacté la forme de sable avec un morceau de 2×4.
28 juin 2015, 1er jour de la construction du four
La porte du four sert de gabarit pour la forme de l’ouverture et pour retenir la forme de sable. Nous avons découpé deux morceaux de plance de ½ po d’épaisseur que nous avons cloués ensemble pour faire une porte de 1 po d’épaisseur. La porte est haute de 10 po au centre et fait 16 po de largeur. K. Denzer suggère que la largeur de la porte soit environ la moitié du diamètre ou de la largeur du four. Nous avons fermement appuyé la porte sur la forme de sable, pour que le sable tienne en place durant le séchage de la voûte. Nous avons «chimé» la base de la porte avec des petits morceaux de bois de 1/16 po d’épaisseur, pour faciliter le retrait de la porte une fois l’argile séchée.Une fois la forme de sable terminée, nous avons posé du papier journal sur celle-ci et autour de la porte, en préparation de l’application de la couche thermique.
Mélange argile-sable et couche thermique
27 juin 2015, 1er jour de la construction du four
La couche thermique est la couche d’argile-sable qui accumulera la chaleur lors de la chauffe du four. C’est un mélange assez dense, avec peu ou pas de propriété isolante.Nous avons récolté une quinzaine de sceau d’argile bleue d’environ 30 kg chacun, en prévision de tous les travaux d’argile à réaliser sur le four. Nous avons trouvé cette argile en bordure d’un ruisseau, en demandant à un voisin de nous laisser accéder à cette matière précieuse. Nous le remercions vivement!Nous avons fait des tests et avons trouvé qu’un mélange 1 part d’argile pour ¾ part de sable, avec peu d’eau, donnait le meilleur mélange pour la couche thermique.En suivant les indications données par K. Denzer, nous avons réalisé quelques tests avec l’argile, incluant la fabrication de briques d’argile-sable que nous avons laissées sécher 24 h au soleil. La briques avec un ration 1:1 donnait le meilleur résultat: une brique dense, non friable et résistante à la compression.Les blocs d’argile ont été broyé dans une «boîte» de bois avec un fond de tôle. L’argile broyée était ensuite étalée sur une toile et nous y avons mélangé du sable (selon le ratio 1 part d’argile pour ¾ part de sable). Le mélange a été arrosé quelques fois. Nous avons piétiner et fait le «twist» sur le mélange pour intégrer complètement le sable à l’argile.Le mélange thermique a été appliqué en rangs successifs autour du four. Les mottes d’argile sont déposés puis compacter avec le point, en utilisant l’autre main comme gabarit pour la largeur.La couche thermique faisait 4 po d’épaisseur tout autour du four et sur la voûte. Il ne faut jamais appuyer contre la forme de sable, car c’est la forme de voûte elle-même qui assure le support à la couche thermique.
Mélange argile-sable-vermiculite et couche isolante
28 juin 2015, 2e jour de la construction du four
La couche isolante est composée d’argile, de sable, de vermiculite et d’eau. Nous avons utilisé 20 sacs de vermiculite de 17 l chacun. La vermiculite est un isolant minéral qui ne prends pas en feu et qui est plus efficace que le brin de scie ou les copeaux de bois.Le mélange isolant était composé de ½ part de sable pour 3 parts d’argile (pour donner un sceau de mélange). Nous avons utilisé une perceuse heavy duty avec un bras mélangeur pour faire ce mélange. Il fallait entre 3 et 5 sceaux pour hydrater correctement 34 l de vermiculite. La consistance du mélange variait entre celle d’un beurre d’arachide crémeux et du yogourt épais.Nous avons appliqué les rangs d’isolant de la même manière que nous avons appliqué la couche thermique. Sur les côtés l’épaisseur de la couche isolante était de 4 po, alors que nous avons appliqué 6 po d’épaisseur sur le dessus du dôme, pour augmenter l’isolation là par où la chaleur cherche le plus à fuir.
Nous avons terminé la construction du four le dimanche 28 juin et avons posé une chouche de finition (mélange argile-sable assez liquide) quelques jours plus tard (la couche isolante n’était pas sèche). Nous avons également posé des pierres ornementales directement sur la couche de finition. Celle-ci a séché durant trois semaines avant que nous fassions le premier feu. À ce stade, l’argile à l’intérieur du four avait déjà bien séchée. Les craques et les fissures sur la couche de finition étaient naturelles et nous avons appliqué à nouveau des couches de finition pour masquer les irrégularités. Nous avons fait quelques petits feux en préparation pour la fête pizza. Jacques a conçu et dirigé la construction de l’abri, assemblé à tenon et à mortaise.
La fête pizza & pain a eu lieu le 27 juillet 2015. Pour l’occasion nous avons préparé une vingtaine de pizzas ainsi que 10 kilogrammes de pains. Le four est assez grand pour cuire deux pizzas à la fois (chacune faisant environ 15 pouces de diamètre). Festivité, gourmandise, soleil, tout a contribué à d’excellentes réjouissances.
LE FOUR DES ENFANTS
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Fours à pain chauffés au feu de bois
Denzer, Kiko, with Hannah Field. Build Your Own Earth Oven: A Low-Cost Wood-Fired Mud Oven, Simple Sourdough Bread, Perfect Loaves. 3e éd. Blodgett: Hand Print Press, 2007.
Ce livre est une référence indispensable pour la construction d’un four en argile très performant. C’est ce livre qui a servi de référence principale pour la construction du four d’au Petit boisé. Si ce livre vous intéresse, assurez-vous d’acheter la troisième édition.
La bible de la panification au levain naturel et de la construction de fours à pain en briques. C’est selon moi l’une des références les plus importantes en la matière.
Boily, Lise, et Jean-François Blanchette. Les fours à pain au Québec. Ottawa : Musée national de l’Homme. 1976. (Gratuit)
Seule monographie anthropologique consacrée au patrimoine matériel et immatériel des fours à pain au Québec. La technique de construction québécoise est à l’origine de plusieurs des techniques contemporaines de construction de fours en argile.
Cet excellent document PDF (gratuit) décrit de manière détaillée la construction d’un four à pain selon la méthode d’Alan Scott.
Wing, Daniel. Technical Notes on building trailers for mobile masonry ovens. PDF.
Ce court texte donne des précisions très techniques sur la construction d’un four de briques monté sur une remorque et traite aussi des spécifications techniques requises concernant la remorque elle-même.
Projet communautaire de construction d’un four à pain — Community Bake Oven — à Kitchener, Ontario. Le document produit par les participants est disponible gratuitement en PDF (cliquer ici).
http://www.theworkingcentre.org/community-bake-oven/530
Le pain d’habitant (1re partie) – Construction du four by Bernard Gosselin& by Léo Plamondon, National Film Board of Canada
Le pain d’habitant (2e partie) – La cuisson by Bernard Gosselin& by Léo Plamondon, National Film Board of Canada
Parole de boulanger by Léo Plamondon, National Film Board of Canada