La Thaïlande avec vue sur la mer d’Andaman: l’île de Phayam
Les restaurants nous coûtent trop cher et nous en ressortons très souvent avec un petit creux dans l’estomac. Les portions thaïes sont petites. Sur l’île, le moindre shake – jus frappé – coûte le double par rapport au prix sur le continent. Nous nous offrons bien quelques plaisirs, une fois par deux jours, comme une crème glacée ou une boisson glacée. Les enfants tiennent le compte des jours qui passent et Maël, qui maîtrise de mieux en mieux le calcul, s’assure que nous réservions les sous nécessaires pour ces achats tant attendus.
Léo, Jean-Pierre, Jean-Jacques, Tim et Laurent, entre autres, sont des habitués de Koh Phayam (Koh signifie «île»). Ils sont Français ou Canadiens et ils visitent la Thaïlande et ses îles depuis plus de dix ans. Nous ne les aurions pas rencontrés ici si l’île de Phayam n’était pas, à leurs yeux, la plus belle île de la Thaïlande.
Les guides de voyage, paraît-il, ne faisaient pas mention de Phayam jusqu’à tout récemment. Nous avons même entendu dire que certains auteurs faisaient exprès pour écrire des commentaires négatifs sur l’île – plage sale, eau malpropre, météo défavorable – pour tenir les touristes au large. La dernière édition du Lonely Planet rend hommage à l’«authenticité» de l’île de Phayam. Devons-nous désormais craindre un envahissement par des touristes qui exigeront plus d’infrastructures, de meilleurs hôtels – en béton, sur plusieurs étages – qui pourraient détruire ce côté rustique que les huttes de bambou donnent au lieu?
La logique est implacable: si on publicise un lieu extraordinaire et authentique, il deviendra tôt ou tard une attraction touristique inévitable. Les entrepreneurs profiteront de la manne et les infrastructures s’amélioreront – l’électricité n’est pas continue sur l’île, les bâtiments étagés sont rares, par exemple – et la nostalgie s’emparera des imaginaires. En attendant, il semble que nous soyons dans un entre-deux et que la plage Aow Yai, à l’ouest de l’île, soit véritablement un bijou.
Les rayons du soleil levant et le coucher du soleil soulignent quotidiennement les silhouettes d’une vingtaine de bateaux de pêche immobiles au large. Certains, le soir, allument des projecteurs extrêmement puissants pour attirer à la surface des eaux les crustacés qu’ils pêchent sans vergogne. Plusieurs des récoltes au large serviront à nourrir du bétail sur la terre ferme. L’époque de la pêche de subsistance et de la pêche paysanne, si on peut l’appeler ainsi, est révolue. Avec en toile de fond des îles birmanes, les signaux lumineux de ces navires dissimulent des centaines d’autres bateaux usinent qui, en haute mer, siphonnent en les détruisant les fonds marins. Mais cette réalité, nous n’en apercevons qu’une parcelle.
Les Birmans sont, sur l’île, la main d’oeuvre à faible coût. Ils travaillent entre autres dans les plantations d’hévéa où ils entaillent les arbres afin de récolter le caoutchouc naturel qui est vendu sur les marchés internationaux. D’autres sont des ouvriers de construction non qualifiés ou des femmes de ménage. Comme la population indigène invisible de l’île – retranchée dans des camps pauvres situés dans des zones non fréquentées – ils sont quand même la force motrice d’une île qui a besoin d’une classe plus pauvre, moins affranchie, afin de subvenir aux besoins de Thaïlandais entrepreneurs et d’Occidentaux consommateurs.
Pour le moment, nous ne connaissons pas de projets d’intégration de ces populations défavorisées. J’avoue que je n’ai qu’entendu ce que je rapporte et que je ne fais donc pas oeuvre de bon journaliste. Notre bon ami français a cependant été un témoin direct de plusieurs de ces scènes impliquant la population birmane ou indigène.
Alors? Nous ne sommes pas tout à fait en vacances. Car nous ne fermons pas les yeux sur les implications de nos choix et de nos actions sur les gens et le milieu où nous sommes présentement. Cela aiguise notre conscience, mais nous faisons aussi face à ce dilemme que l’attitude thaïe exacerbe: cette dernière nous enjoint de ne pas nous mêler de ce qui «ne nous regarde pas», dressant entre nous et les enjeux locaux un clivage culturel et politique.
Nous ne sommes pas non plus en vacances, car nous recherchons constamment des manières d’être «productif». Écrire et photographier. Rapporter. Développer des projets pour notre retour. Et, tout dernièrement, faire du pain sur une île thaïlandaise… je vous en reparlerai!
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Salut François,
Nous arrivons de 2 semaines à Isla Mujeres. Les billets étaient payés depuis 6 mois et ayant vu les enfants compter le dodo depuis 179 dodos, nous n’avons pas osé annuler, malgré le budget maigrichon.
Nous avons partagé une très petite chambre à 4 et préparé nos repas.
Vivre dans un paradis touristique avec très peu d’argent est une belle analogie de la vie intérieure, en effet. Tous ces vendeurs qui sollicitent notre attention avec les BBQ, les massages, les vins, les poissons à toutes les sauces. Il n’y a pas de limite à ce qu’on pourrait dépenser d’énergie à l’extérieur de soi, jusqu’à se souler, malade, et finir vidé à se demander à quoi ça rime au fond… Mais n’est-ce pas comme cela en nous-mêmes de toutes façons? N’avons-nous pas une myriade de petites voix intérieures qui nous agitent des miroirs aux alouettes: « Hé amigo, par ici, moitié prix pour toi… ». On est riche de ce dont on peut se passer. On est maitre de ce qui ne détourne plus notre chemin. Cela me rappelle un « mantra » enseigné par Mathieu Ricard: « Je n’ai besoin de rien ».
La «sobriété heureuse», écrit Pierre Rabhi. Vivre frugalement, se contenter de ce que l’on a, ne pas espérer ni plus ni moins, sinon aspirer à changer sa vision du monde pour être plus positif, constructif, et joyeux!
La frugalité éveille nos sens et notre esprit au subtil…
L’éveil se produit quand j’accepte avec patience et équanimité de vivre avec peu de moyens… Si je réagis avec aversion ou avec envie par rapport à la frugalité, je ne m’offre pas vraiment l’occasion d’explorer les richesses intérieures du monde!
Profitez bien de vos derniers jours en Thaïlande!