Xavier: paysan-boulanger à Saint-Cyr-la-Rosière

Xavier: paysan-boulanger à Saint-Cyr-la-Rosière

L’air du fournil était saturé des odeurs de la pâte qui fermentait et des gaz s’échappant de la combustion du bois dans le four à pain. Xavier Boullier déplaçait de grands plateaux sur lesquels les pâtons avaient été façonnés en boule et ensuite laissés à reposer durant une heure. À Saint-Cyr-la-Rosière (carte), dans le parc du Perche (Orne, Basse-Normandie, France), Xavier boulange deux jours par semaine dans un fournil ancestral qu’il loue.

Le four, construit de grandes pierres blanches, poreuses, contenant un haut taux de calcaire, date de plus d’une centaine d’années. Il faut le chauffer en faisant un feu de longues branches assez fines que l’on dépose directement sur la sole. La combustion doit durer plusieurs heures, pour que la sole et la voûte accumulent suffisamment de chaleur pour la redonner par la suite au pain.

Je ne devais passer que pour collecter du pain pour la boutique d’une amie. Xavier me voyant entrer m’a tout de go proposé: «Alors, tu veux panifier avec moi?» C’est ainsi que je me suis dévêtu de ma veste doublée et mon chandail chaud pour façonner avec Xavier des pâtons de pain campagne, de pain aux noix et de pain aux graines de lin.

Les boules qui avaient reposé une heure à une température de plus de 30°C s’étaient relâchées (elles ne tenaient plus vraiment en boules) et avaient également recommencé à lever. Aplatir, étirer, replier, nous avons façonné tous les pains de cette deuxième fournée que Xavier préparait pour sa journée de marché à Nogent-le-Rotrou et de vente au fournil.

Les braises ont terminé leur combustion devant la porte du four, pour que cet endroit accumule un peu plus de chaleur — puisque l’on enfourne avec la porte ouverte, les pains qui cuisent près de l’ouverture doivent aussi recevoir assez de chaleur.

Xavier s’est saisi d’un râteau fixé au bout d’un manche de fer lourd et a raclé la sole. Ensuite, au moyen de l’écouvillon qu’il a trempé à plusieurs reprises dans un seau d’eau, il a nettoyé la sole pour y retirer cendres et braises. La bouche sombre du four s’illuminait des étoiles de braises qui étaient aspirées par l’immense cheminée surplombant la porte du four. Du même coup, chaque passage de l’écouvillon a légèrement refroidi la sole, ce qui permet d’assurer une chaleur qui convient à la cuisson du pain.

L’enfournement s’est déroulé avec hâte, car la fermentation avait fait gonfler les pains à leur limite. Un banneton à la fois, Xavier a enfourné d’un geste très vif et précis la vingtaine de pains qui allaient cuire directement sur la sole, produisant ainsi une bonne croûte et provoquant un «coup de sole» magnifique. Sous le coup de la chaleur soudaine du four, les levures sauvages contenues dans le levain naturel s’accroissent subitement et durant les premières minutes de cuisson font lever le pain de manière remarquable.

En donnant un coup de lame sur le dessus des pâtons, Xavier a fait en sorte de donner à chaque pain sa personnalité. Une personnalité qui n’est pas très éloignée non plus de celle du boulanger. Coup de sole et coup de lame donneront aux pains leurs grignes particulières, c’est-à-dire l’esthétique finale du pain après cuisson, laquelle doit beaucoup à la manière dont le pain «éclate» dans le four.

Xavier: paysan-boulanger from Francois Thibeault | Reporterra on Vimeo.

Une visite au fournil de Xavier, à Saint-Cyr-la-Rosière, dans le parc du Perche en France.

Les pains moulés ont ensuite été enfournés dans le four de type Soupart. Avec une sole rotative et un foyer inférieur dans lequel la combustion peut ou non se poursuivre durant la cuisson (au choix du boulanger), Xavier a enfourné dans ce four une vingtaine de pains moulés.

Sur le seuil de la porte du fournil, en saluant l’ami boulanger, je me suis promis d’honorer l’invitation de Xavier de revenir le voir, aux très petites heures du matin, pour reprendre avec lui la panification de ses pains. Pour le plaisir d’échanger avec un artisan au sujet de notre passion pour le pain.