Tir Eithin: donner et recevoir

Tir Eithin: donner et recevoir

Lors de notre départ de Gloucester, en direction de la ferme Tir Eithin, dans le comté du Carmarthensire, au pays de Galles, nous étions légers. Il faisait bon quitter les odeurs huileuses des garages environnants et le parfum du béton chauffé par de belles journées ensoleillées. Rien de pire que les stationnements pour les caravaniers en quête de nature et de forêt.

Cela faisait quatre nuits que nous campions dans un stationnement de garage. Cinq jours à patienter dans une ville sans grands attraits, mais dont le caractère populaire et ordinaire nous a plu.

En quittant le garage situé au fond d’une aire industrielle, nous exaltions. J’ai crié «Yiiiiiiiii hah!» en appuyant à fond sur l’accélérateur et en sentant (enfin!) les vitesses s’enclencher les unes après les autres. Nous pouvions désormais aller vers un objectif précis, à la rencontre des gens de la ferme Tir Eithin.

Le pays de Galles est habité depuis longtemps. Les flancs des collines sont divisés nettement. Les carrés clôturés et boisés à leurs frontières encadrent des prés à perte de vue. Les murets de pierres des champs qui bordent les chemins – témoins silencieux du labeur de la terre – sont surmontés de végétation dense. Les routes sont comme des tunnels, parfois une voûte sylvestre crée un décor envoûtant, quand le regard cherche au bout de la route la lumière à travers les branches. Nous défilons à bord de notre campeur à une vitesse qui nous est enivrante, pourtant nous roulons lentement. Les passages entre deux murets sont parfois si étroits que nos cœurs palpitent. Et si un autre véhicule arrivait subitement à contresens?

Nous ne pouvons rouler vite dans ces côtes, ces virages et ces conduits bétonnés pour charrettes modernes. Quand les gens nous disent qu’un trajet nous prendra une heure sur la route, nous évaluons qu’il nous en faudra presque le double. Notre vieux Bedford rechigne dans les côtes. En première vitesse, à 20 km/h, parfois sur des montées interminables, surtout ne pas avoir à s’arrêter. Dans les descentes, le Bedford tangue, les freins sont bien actifs et le moteur, en compression. Nous sommes bien les plus lents, ici comme sur l’autoroute. En trois mois de road trip, nous avons dépassé seulement une poignée de véhicules… seulement des tracteurs.

Il était tard quand nous sommes arrivés. Les deux aiguilles se superposaient presque à la verticale. Dans cette noirceur presque totale, nous ne pouvions distinguer cette pierre posée sur un muret, sur laquelle était écrit «Tir Eithin». Nous nous sommes posés, sans encore le savoir, tout près des terres communales. Au matin, un gaillard promenant son chien aux premières lueurs du jour nous a gaiement salué en gallois.

Nous sommes devenus wwoofeurs

Pour nous poser quelque temps au Royaume-Uni, pour y rencontrer des gens et de nous intégrer dans des milieux ruraux, nous nous sommes inscrits sur le réseau Wwoof du Royaume-Uni. En échange de nos services et de notre aide en tant que wwoofeurs (Wwoof: World wide opportunities on organic farms), les hôtes du réseau Wwoof offrent logement et nourriture.

La ferme Tir Eithin avait besoin, et a toujours besoin, de wwoofeurs pour prêter main forte aux travaux de la ferme. Ils avaient en quelque sorte besoin de nous. Mais nous avions, finalement, peut-être plus besoin d’eux qu’eux avaient besoin de nous. Nous étions fauchés et le sommes encore un peu. L’Europe se paie cher et en choisissant une autocaravane plutôt que la marche ou le vélo, nous avons fait le choix d’un certain confort et d’une certaine facilité (voir autres articles).

Notre première journée comme wwoofeurs s’est déroulée calmement, la fatigue des jours précédents nous ayant rattrapés. Plusieurs nuits nous furent nécessaires pour enfin parvenir à se lever aux premières lueurs du jour. C’est dans cet état intermédiaire que nous avons cueilli les haricots et les concombres pour le marché.

Les enfants rayonnaient de bonheur, leur joie émanant de ce désir inassouvi de soigner des animaux de ferme. Kellen, un collie nerveux, toujours sur le qui-vive, et d’une compagnie fort enjouée, a immédiatement adopté Maël et Kaliane qui lui lançaient des bouts de bois. La tâche de balader les chevreaux, tenus en laisse, fut également confiée aux enfants. Ceux-ci se sont merveilleusement bien acquittés de cette tâche durant tout notre séjour.